Les p’tits loups !
Cela fait tellement de temps que je ne suis pas venu griffonner et grattouiller quelques feuilles virtuelles dans cet ici. Il s’est pourtant passé tellement de choses. Tenez, j’ai failli perdre mes longues, magnifiques et soyeuses oreilles ! Rassurez-vous, je les ai gardées mais, vraiment, j’ai vu s’approcher à grands pas pressés le moments où je n’allais plus pouvoir les secouer violemment. J’aimerais vous parler de longs paragraphes encore, de mes si précieuses oreilles mais quelque chose me dit que vous ne me liriez plus et cela me chagrinerait un peu. J’ai beau dire que j’écris pour moi seul, pour le plaisir de sentir les mots glisser sous mes doigts, pour l’afflux de sang aux tempes et les trépignements intérieurs, j’ai beau affirmer que je me fiche bien que mes mots soient lus et relus, que j’aime à les écrire et rechigne à en parler, j’aime, de temps en temps, sentir les pas fugaces d’un lecteur parmi mes lignes. J’aime à sentir votre souffle derrière ma plume. Aussi, je céderai aux goûts communs et parlerai d’autres choses que de mes oreilles.
La vie suit son cours, de façon un peu chaotique, souvent ensoleillée, parfois un peu en-grisaillée. Mais, vous savez, c’est le lot de C. de ne pas savoir se blinder contre les coups, de manquer de protections, de ne pas savoir tourner le dos à ce qui le secoue la tête, lui obstrue le crâne, lui flingue les neurones, lui barbouille le cœur, lui terrasse l’âme. Elle n’a pas la sagesse nécessaire à cette paix, elle n’a pas l’intelligence qu’il faut détenir pour traverser l’existence sans trop de heurts. Alors tant pis pour elle, hein. Je sais tout cela car elle me le raconte. Je ne la vois plus beaucoup, voyez vous. Elle ne vit plus dans mon pavillon de banlieue. Elle trimbale ses bagages avec elle, elle se charge d’imbécilités, s’alourdit de silences. Elle ne sait pas toujours à quel lieu elle appartient. Elle n’aime plus trop à passer dans mon chez moi, en fait. Pourtant, si vous saviez combien elle l’aime cette maison et surtout, Ô combien elle aime ceux qui y vivent. Seulement, C., il est des moments, où elle puise sa force dans la fuite, des instants où elle ne parvient à tenir debout que par la désertion. Je lui dis d’essayer, encore et encore, d’essayer de se lancer vers celle qu’elle ne comprend plus et qui ne la comprend pas non plus. Je lui répète de ne pas baisser les bras, je lui redis, qu’après tout, “impossible”, elle connaît pas. Je lui raconte ma déception de la voir abandonner un peu plus chaque jour, de la voir rendre les armes et hausser les épaules en retenant l’eau salée derrière ses paupières. Je lui dis que je pensais qu’elle ne supportait pas l’échec, qu’elle était mauvaise joueuse et ne savait pas perdre une bataille, qu’elle soit aux cartes, navale ou d’existence. Mais les gars, le problème, c’est qu’elle n’habite plus là et que, forcément, elle ne m’écoute donc pas.
Alors, lâchement, elle préfère tenter de barricader son cœur en se bouchant les oreilles, en lisant en diagonal, en tapant dans des sacs et en se mordant les poings. Elle se convainc qu’elle n’a pas la force d’avoir encore le ventre à l’envers lorsqu’elle voit D, qu’elle n’a pas la force de se voir encore et encore et encore et encore une déception immense dans les yeux de sa mère. Elle se répète qu’elle n’a plus l’envie de se battre pour ce qu’elle est. Franchement, j’ai honte pour elle. Pour le coup, elle me déçoit immensément. Parce que des chagrins gigantesques, de ceux qu’on ne pense pas pouvoir soulever seul, des moments d’égarements, des torrents de larmes, des envies de balancer son corps contre un mur encore et encore, des torsions d’âme, des gouffres béants dans le ventre, elle en a connus et, jusqu’à aujourd’hui, elle a toujours su les affronter seule, debout, avec son courage de petit bout de femme pas bien stable sur ses deux jambes et pas bien nantie au niveau de la sagesse.
Pourtant, ce combat là, il mérite d’être affronté, non ? Au nom de l’amour puissant, gigantesque, incommensurable et sans égal qu’elle a reçu de D., au nom des années passées à se comprendre un peu, des heures à rire, des semaines de complicité, au nom des expositions arpentées, des voyages effectués, des secrets échangés, des plats cuisinés, des vêtements achetés, des douleurs partagées, des heures à se blottir l’une contre l’autre, au nom des “Visiteurs”, de Rabindranath Tagor, de Sifnos, des Petits Plats, de la rue Montorgueuil, des coups de soleil, du chocolat, des tâches de rousseur, du Lucernaire et du Théâtre 13, du passage du Grand Cerf, des Menhuirs, des voitures poubelles, des visions différentes du petit déjeuner idéal, des réveils à l’aube, des morsures, du courage, des bonbons sans sucre, de la glycérine, des insomnies, des nuits sous la tente, des ânes du Poitou, des palmes, du Coca Light, de Hugh Grant, du marché de la Varenne, des samedis soirs, de Desperate Housewives et de 24h Chrono, de Bridget Jones, du scrabble de compétition, des litres de thé, des baguettes de pain englouties, du réglisse, du Lido et de la rue Mouffetard, de Cop’Copine, des bottes violettes (non cirées), des bottes à talons, des converses, des bottines, des chaussures à talon, des chaussures plates, des richelieus, de Chantilly (et au nom de la crème Chantilly aussi), de l’épluche-pommes et du siphon et au nom de la capacité à pardonner, aussi. C. devrait aussi se lancer dans cette lutte, car si les coups lui font sacrément mal, ne pas s’engager dans cette bataille est douloureux aussi. Et puis, j’ai toujours pensé que ceux qui ne savent aimer qu’à en crever n’ont pas vraiment le choix : ils doivent se lancer dans les bagarres de vie quittent à s’amocher, quitte à se péter toutes les dents, à se casser le nez, à s’arracher les cheveux, à s’écorcher, à s’égratigner, à se balafrer et à s’exploser contre des murs.
Vous savez, si pour le moment, C. a les épaules un peu basses, le coeur un peu résigné et le courage qui a résolument flanché, si, pour l’instant, elle n’a juste plus envie d’avoir mal, si elle préfère être lâche et perdre que courageuse, un peu éventrée de peine et, peut être, au bout du compte gagner (contre la vie, uniquement contre la vie), j’espère que cela ne durera pas. Je la préfère inconsciente, laissant son palpitant au bord de précipices, prenant le risque de s’étouffer, de se vautrer au sol, de trébucher et de se péter les lunettes, je la préfère lorsqu’elle a le courage de renatter ce qui a été défait, de retresser, de relier, de reboucher les trous et de construire des ponts, et surtout, lorsqu’elle a le courage, immense, de pardonner.
Je ne sais plus trop si j’ai envie que vous me lisiez, en fin de compte, je me demande si je n’ai pas simplement écrit pour elle cette-fois ci. Je ne sais plus vraiment où mettre ces mots et si ils ont leur place ici. Au début de ce blog, je voulais être un chat futile et amusant, un chat qui fait rire, un chat piquant et ironique et je me retrouve à caracoler parmi les torsions de vie, à me paumer dans les chamades, à me fatiguer à tenter de démêler les noeuds d’acier. Je me suis peut être planté de voie. Si, si, si, les gars, je vous assure, même moi, Jean-Bob le Magnifique, me trompe parfois. Je me demande si je ne devrais pas fermer ce lieu, le barricader ou le laisser à l’abandon afin qu’il soit envahi par les ronces. Alors, ne vous étonnez pas trop de ne plus me voir ici, cela sera peut être, que finalement, je n’aime pas trop ce que j’écris.
Bonne route les gars !